Fragment 1
« TOUT EST MOUVEMENT. Mouvements ensemble : pensée, stabilité que seul le mot ou la pensée peut produire. »
La pensée, en voulant stabiliser, révèle la dynamique constante de l’existence.
Déléguer. Observer. Jouer avec l’Autre.
Fragments de journal, bribes de pensée, citations, essais philosophiques : ci-dessous, un ensemble de passages reflétant différentes strates de la démarche Gesternwart. Chaque série provient de textes ou notes divers, réorganisés en courts extraits, parfois accompagnés d’une brève résonance.
« TOUT EST MOUVEMENT. Mouvements ensemble : pensée, stabilité que seul le mot ou la pensée peut produire. »
La pensée, en voulant stabiliser, révèle la dynamique constante de l’existence.
« ACCÉLÉRATION PERPÉTUELLE. La question n’est pas qu’il y ait quelque chose, mais que le tout du mouvement se prolonge… … des mouvements d’accélération et d’accélération d’accélération… sans relâche. »
Une spirale où l’acte de penser, de vivre, de créer semble s’emballer sans repos possible.
« JE VOUS DEMANDE DE CROIRE QUE JE CRÉE. Je vous demande de croire que j’ai créé. »
L’acte de création se déploie sur un double registre : besoin de l’autre pour valider, foi dans le geste accompli.
« L’EQUATION DE L’ART. J’y suis seul, et rien n’a jamais été résolu de mes peurs, mon égarement, mon abandon. »
L’espace artistique demeure un refuge où l’on affronte sa propre énigme, sans assurance de résolution.
« VANITÉS CONTEMPORAINES. C’est dans ces conditions que je pourrais écrire : fais de ce lieu ton foyer ? Ça va occasionner pas mal de déplacements. »
Le foyer lui-même, loin d’être fixe, appelle le mouvement ou le déracinement.
« LOURADE-LEGER POEM, OPEN POEM, PALIN D ROME… PAINDROME… OPEN PAIN… IRGEND… Le proto-possible, le quelconque qui ouvre la puissance du singulier. »
Jeux de mots, permutations, ouverture du langage : la parole s’invente en se déplaçant, la réalité se tord pour enfanter du sens neuf.
« CHAOS & TEMPS. Le temps est la seule forme qui permette de tenir ensemble le chaos, l’Ouvert et notre pensée. »
Au cœur de la multiplicité informe, le temps joue le rôle d’armature, rendant possible l’expérience humaine.
« ARCHITECTURE COMME MÉTA. Méta pour l’art. Morte et dépassant l’affect pour avoir des démêlés avec un aspect plus brut et sauvage du temps. »
Le bâtir serait une mise en cadre qui protège (ou isole) la pensée du pur chaos, permettant la condensation d’idées.
« LE CHAOS, LE DÉSASTRE. Le chaos est partout. (…) Un pur désastre. Il n’y a que ce qu’on veut ajouter qui souffre. »
Le monde se donne comme un champ indifférencié. La souffrance naît de nos tentatives pour y imposer une forme.
« LE CORPS QUI COMPTE. C’est le corps qui compte. »
Rappel à la matérialité de toute expérience, ancrée dans la présence physique.
« NE PAS ÊTRE SYNCHRONE DE RIEN. »
Sentiment de décalage, d’un temps disjoint, où l’individu se sent toujours hors phase du monde.
« Il faut, à chaque tentative, un abandon (provisoire) de son être au monde, pour se glisser dans une forme de virtualité, où l’on ne peut plus garder forme humaine. »
Entrer en pensée profonde, c’est se déprendre de soi, frôler une inhumanité féconde.
« Plus on pratique ces rituels, plus on se souvient durablement de cette part d’inhumanité en soi. C’est à la fois dégradant et glorieux. »
Entre peur et exaltation, l’esprit explore sa propre étrangeté, s’éloigne un instant de l’humain familier.
« Apprivoiser le sentiment de frustration et accepter l’impossibilité de capturer ce qui passe mène paradoxalement à la possibilité de l’accomplir. »
Le renoncement à saisir crée l’espace même où l’inouï peut advenir.
« Il y a une nécessité de faire vaciller l’unité de l’être, pour voir vibrer et se déformer un peu l’image de soi… alors il y a possibilité de surgissement, de création. »
La création naît d’une faille, d’un ébranlement où l’identitaire se fend et laisse surgir du neuf.
« Le langage est lisse et abyssal, explicatif et lieu de ruptures… on renoue avec lui comme grand Autre, vous échappant. »
La parole nous porte plus loin que nous-mêmes : elle abrite à la fois l’universel et l’inconnu.
« Quand plus rien ne peut rester debout en moi, il reste le mouvement d’un arbre, patient, qui me dit que la vie est encore là. »
Au fond du désarroi, la simple présence végétale reconfigure notre rapport au temps et à l’espoir.
« Le progrès, l’invention ont sans doute toujours mené à des déplacements ambigus, on a perdu et gagné en humanité ? Juste perdu ?… »
Chaque bond en avant transforme l’être : difficile de dire si l’on s’élève ou si l’on s’abîme, ou les deux à la fois.
« Je suis le cheval que je chevauche… je suis au moins double si j’y pense. Ou un, personne et cent mille… »
Toute création implique un dédoublement : l’auteur, le véhicule, et cette pluralité intime dont l’œuvre se nourrit.
« C’est dans cet impossible que l’art doit œuvrer, et se tenir, car il apparaît que c’est en son cœur qu’il peut livrer le combat produisant l’inouï. »
L’“impossible” est le terrain même de l’art : c’est là qu’il combat, pour faire naître ce qui n’existait pas.
« On me dit : cesse de faire l’enfant, et je me souviens que je ne suis plus… je suis celui qui suis l’enfant que je convoite. » (2020-10-17)
L’enfant qu’on fut, l’enfant qu’on voudrait redevenir, se confondent dans un devenir inassignable.
« Une petite chanson dérisoire, qui me maintient dans cette neige… lumière du nord valant jusqu’à la béance… lacune sans manque. » (2020-10-17)
À la lisière du vide, le blanc n’est pas absence mais présence d’une faille lumineuse.
« Comment habiter un terrain ? Des années d’enfance nous forgent, et l’instant peut nous en extraire… distance, effacement, violence. » (2020-09-07)
Les topologies intérieures s’édifient sur une lenteur originelle, mais il suffit parfois d’un souffle pour tout déplacer.
« Le soleil me chauffe le dos sur le chemin. » (2020-07-07)
Parfois, l’ombre nous accompagne avec autant de force que notre propre corps.
« Savoir faire des idées aussi virales que le virus… une idée, belle et puissante, c’est un autre virus, dessinant son génome du temps. » (2019-02-27)
Les pensées se propagent à leur rythme, contournent les frontières et fécondent en secret.
« Les Allemands ont Gegenwart. Ici, forger Gesternwart (hier + présent). Stern veut dire Étoile. Tout cela est gratuit. » (2017-12-07)
Jouer avec la langue, c’est ouvrir des constellations temporelles. Hier, présent, étoile : le mot engendre son propre cosmos.
« Imaginer chaque geste d’une branche comme absolument irréductible. Peut-être apprendrions-nous enfin à marcher de la même façon. » (2017-09-07)
Regarder l’arbre danser, puis apprivoiser notre propre marche, pas après pas, comme un renouvellement permanent.
(2016-10-07)
Le non-advenu nous hante parfois plus que ce qui s’est réellement produit. L’impossible part manquante.
« Dans un espace limité, créer des lieux qui ont cette vertu d’être des tout… Faire dessiner le temps, lui en fournir les outils. » (2012-06-17)
Un bâtiment peut contenir l’illimité. Et tout geste architectural affronte la question du temps et de l’échelle.
« Je travaillerais à la fois à l’écriture du texte et à son incinération. Incinérance en quelque sorte. » (2012-08-07)
L’acte créateur s’unit à l’acte destructeur, chaque écrit se consume dans le même mouvement qui le fait naître.
« Rapport de deux mouvements quelconques, indépendants et irréductibles. Problème : trouver un plan pour recueillir ensemble quelques-unes de leurs traces. » (2016-12-07)
L’harmonie peut s’atteindre lorsque des forces parallèles s’entrecroisent un instant, sans se confondre.
« J’oublie souvent et me souviens parfois que je promène le regard d’un mort. » (2017-04-27)
Porter en soi un regard qui excède le vivant : entre mémoire, étrangeté, et conscience d’une absence.
« Portes, autant de pages d’un livre. L’histoire est écrite sur l’âme du bois. Porte, page, passage. » (2016-07-17)
L’espace bâti se feuillette comme un récit ; chaque seuil révèle une nouvelle scène.
« Tout est affaire d’espace sauf l’espace, qui est affaire de temps. Quand un amour a passé, doit-on dire qu’il n’a plus lieu ? » (2017-03-07)
L’amour se dissipe-t-il dans le temps, ou cesse-t-il juste d’occuper un lieu ? L’acte même de “passer” brouille ces repères.
« La nature a mis au monde un être qui mange de la poussière. Pourquoi n’ai-je pas été ce poisson d’argent ? » (2015-11-17)
La coexistence d’existences infiniment diverses donne le vertige sur notre propre place, notre propre chance d’être humain.
« Ainsi négation, ainsi infirme nération. » (2019-01-07)
Entre le récit et l’effacement, le texte vacille. L’écriture brûle et renaît de ses cendres.
« Sans doute pas. Il est dans la joie du mouvement de sa ramure… et agite un crayon noué par une ficelle. » (2014-04-27)
Pour l’arbre, ce geste n’est qu’une modalité de son être ; nous seuls y percevons l’œuvre.
« On ne pourrait pas déduire le moindre instant dans l’avenir de ce qu’on observe… et pourtant se révèle un tout, étrangement familier. » (2017-08-07)
L’infinie variété du vivant ou du mouvement crée toujours une forme. L’architecture du temps s’y lit en creux.